Retrouvez ci-dessous l’article de William Nahum à retrouver dans la Revue Francaise de Comptabilité d’Octobre 2014
La comptabilité doit être en mesure de fournir des informations pertinentes et fiables sur la valeur, la performance et les perspectives d’une entité. Outre son rôle d’outil de gestion pour le chef d’entreprise, de source d’informations pour I ‘administration fiscale, la comptabilité doit permettre d’orienter, voire de rejeter, de manière la plus fiable possible la décision d’investissement.
Les sociétés commerciales qui assurent les échanges de biens et de services sont souvent internationales et même transnationales. Les solutions ne peuvent plus des lors être recherchées uniquement dans un cadre national mais aussi et d’abord dans un cadre international. C’est ainsi que la comptabilité est sortie de son domaine strictement technique pour devenir un objet international d’intérêt général. La mondialisation comptable est en marche par le biais des normes IFRS qui constituent désormais la principale référence comptable au niveau inter- national depuis la décision de l’Union européenne de les intégrer dans son espace et de les appliquer a minima aux sociétés cotées présentant des comptes consolides1.
Pour autant, elles ne constituent pas encore à ce jour à proprement parler un jeu unique de normes mondiales du fait qu’elles souffrent encore d’applications parfois disparates en raison de certaines différences qui relèvent de la culture comptable des différents Etats ayant décidé de les appliquer. Dans cette application à l’échelle mondiale, les normes internationales se sont le plus souvent superposées aux référentiels nationaux. Coexistent alors, comme dans le cas français, deux référentiels comptables destines a des usages différents, I’un élaboré au plan national et qui s’applique généralement aux sociétés non cotées et aux comptes sociaux et l‘autre, international, destine à l’information comptable et financière des entreprises cotées pour leurs comptes consolides.
La qualité de l’information comptable repose sur les principes de régularité, de fiabilité et de contrôle. Ces principes naturellement admis aujourd’hui sont le résultat d’une longue histoire, que Ion pourrait appeler « l’histoire de la comptabilité » émaillée de grandes étapes dont les premiers balbutiements s’inscrivent avant I ‘invention de l’écriture, au 4e millénaire avant JC, a Sumer, ou des tablettes d’argile ont été retrouvées recensant les biens et I ‘enregistrement des échanges. La comptabilité se complexifie à la fin du XIIIe siècle, sous I ‘influence des marchands vénitiens et florentins : la méthode d’un compte par client et par fournisseur qui reprend pour chacun le débit et le crédit, initie la méthode comptable en partie double ou pour chaque écriture passée, une seconde est inscrite en contrepartie. II faut attendre le XV » siècle, dans une Europe occidentale en plein essor économique, pour voir les techniques comptables se développer pour faire face aux nouveaux besoins. Un moine franciscain, Pacioli, reprend la méthode en partie double des marches vénitiens et écrit le premier traite en 1494 dans lequel il expose I ‘utilisation de trois livres de comptes : le mémorial, le journal et le grand livre.
En 1673, un nouveau pas est franchi avec l’Ordonnance de Colbert qui consacre les « livres des comptes » comme moyen de preuve auprès des juges et leur confère ainsi une valeur légale, principe repris dans le premier code de commerce de 1808. Au cours de la révolution industrielle, la fonction comptable au sein de I ‘entreprise commence à s’organiser et les techniques de tenue comptable s’affinent (feuillets mobiles, technique du décalque manuel…). Parallèlement à ce phénomène interne à l’entreprise, on observe la publication d’ouvrages spécialises par secteur (comptabilité commerciale, comptabilité rurale, comptabilité industrielle…) et un fort développement de la formation et de l’enseignement en comptabilité, encourage par la loi sur l’enseignement secondaire en 1865 et par la vague de création des écoles de commerce à partir de 1869. La Commission de normalisation des comptabilités (CNC), créée en 1946, élabore le premier plan comptable en 1947 qui constitue un premier essai de normalisation. Ce cadre comptable impératif centre sur la comptabilité analytique d’exploitation, à vocation à s’appliquer progressivement a toutes les entreprises industrielles et commerciales. II sera rapidement remplace par le plan comptable général de 1957 dont la mise en place avait pour objet de répondre aux critiques formulées à l’égard du plan comptable de 1947 et de fixer un certain nombre de régies générales de normalisation dont l‘application générale et progressive est prévue dans la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme fiscale. Cette même loi prévoit également le principe d’élaboration de plans comptables professionnels, portant adaptation des régies générales de normalisation comptable, promulgués par arrêté. Le plan comptable de 1957 introduit par ailleurs les principes comptables que l’on connait aujourd’hui : régularité, sincérité, prudence, image fidèle, continuité d’exploitation, évaluation au cout historique, permanence des méthodes, non compensation.
Beaucoup plus tard, le plan comptable de 1999 opèrera une réécriture à droit constant du PCG 1982 en introduisant les avis du CNC qui n’ont pas donné lieu à règlement du CRC, en écartant les comptes consolides et la comptabilité analytique que la version de 1982 regroupait, et en le mettant en conformité avec les autres textes de droit comptable.
Enfin, cette année 2014 a vu L’avènement du nouveau PCG 2 élaboré par I’ANC, structuré autour d’une nouvelle architecture permettant d’accueillir plus facilement les évolutions à venir.
Les experts-comptables apportent en France et dans le monde une contribution majeure à l’élaboration de la théorie ainsi qu’à la pratique comptable.
« Celui qui refuse de compter refuse de reconnaitre la souffrance de l’homme » disait le vieux sage.
1. Règlement 1606/2002 CE du 19 juillet 2006.
2. Cf. G. Viau-Lardenois, « Les evolutions de la normalisation comptable française », p. 22.