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Juin 2, 2020 | Commissariat aux comptes, expertise comptable

L’environnement de la profession comptable est complexe et changeant. Au niveau européen, l’expertise comptable, est, selon les pays, réglementée ou pas, et son périmètre d’activité très variable. Pour l’audit légal, malgré la récente réforme européenne, les réglementations permettent aux Etats (pour les mandats d’intérêt public) des « transpositions » nationales discrétionnaires. En outre, dans un contexte économique difficile, les entreprises ont privilégié l’allègement de charges et les simplifications administratives et comptables…       Souvent, elles réclament une part des économies que nous sommes supposés réaliser grâce au numérique.

Notre modèle actuel est donc fortement secoué et des efforts d’explications doivent être réalisés afin de parvenir à un compromis satisfaisant. Il n’est pas garanti que le plus vertueux soit choisi. Qu’observons-nous aujourd’hui ? Une libéralisation de l’expertise comptable, de moins en moins comptable et de plus en plus ouverte aux conseils, avec les risques « d’uberisation » de la tenue comptable. Dans le même temps, l’exercice de l’audit légal, le commissariat aux comptes devient « sur-règlementé » et « sur-normé » sous le contrôle étroit du H3C.

Risque de concentration

Cette situation est particulièrement vraie pour les mandats d’intérêt public, avec le risque d’une concentration de ces mandats entre les mains des acteurs principaux plus à même de faire face aux exigences des régulateurs. Pour les plus petits mandats, le souci de simplification et d’alignement aux « normes » européennes peut faire craindre leur disparition.

Face à cet état de fait, l’organisation globale de notre profession n’est plus adaptée. Nous devons changer de modèle de gouvernance à la CNCC et plus généralement dans l’organisation globale de nos deux institutions (Ordre et Compagnie). Les syndicats professionnels, dont le rôle historique doit être salué, sont toujours dans une logique, légitime en temps normal, d’affrontements électoraux parfois fondés sur des différenciations ou des postures de circonstance voire des ambitions personnelles. Celles-ci deviennent insupportables en cas de crise majeure telle que nous la vivons aujourd’hui. Sans compter que le besoin de structurer les autres missions du chiffre aboutit à la création de diverses institutions non réglementées avec peu de moyens, et sans lien structurel entre elles donc dispersées et moins efficaces que si elles étaient rassemblées.

Ouvrir la profession

Dans les pays anglo-saxons, la « profession » est largement ouverte aux professionnels « non libéraux » qui apportent une capacité exceptionnelle d’échanges et d’ascendants sur la place. Le nombre et le chiffre d’affaires de la profession libérale, rarement coupée en deux comme en France, sont souvent deux à trois fois plus importants à pays économiquement comparable. Leur utilité est fortement reconnue. Une coordination, ou fédération (non réglementée), de l’ensemble des Institutions, associations professionnelles du chiffre et de l’économie d’entreprise est désormais indispensable pour nous rendre visible. L’Ordre et la Compagnie pourraient ensemble en être au centre. Des actions coordonnées sont nécessaires au moins, sur deux axes essentiels. Notre représentation européenne et internationale devrait être globale, car il en va de même de l’évolution de nos métiers. La coopération avec les partenaires des autres pays d’Europe ne pourra se faire à égalité qu’à cette condition

Ensuite, notre avenir est lié à l’attractivité de notre profession. Or, malgré ses atouts, la profession du chiffre est insuffisamment connue et son attractivité limitée du fait de son environnement actuel et des contraintes subies. Ouvrir les marchés et diversifier les métiers offerts permettraient de stimuler fortement cette attractivité déclinante, si elle est accompagnée des argumentaires et propositions lisibles. Concernant l’essentiel, la valeur ajoutée que nous apportons aux entreprises, nous devons faire un état des lieux clair et sans concession de nos relations avec elles. Une véritable étude de marché globale est nécessaire pour que nous puissions satisfaire leurs besoins, répondre exactement à leurs attentes. Notre concurrence est bien là. Des cabinets de consultants se développent plus vite que nous, sans contrôle ni réglementation, souvent plus réactifs et plus conquérants. Nous devons, après cette étude de marché, imaginer de nouvelles initiatives fortes pour notre profession.

Évoluer et se renforcer dans un monde ouvert et divers, aux besoins différents et plus amples que par le passé, est une nécessité que la Profession française du chiffre doit absolument réussir, en étant réunie et rassemblée. Elle doit dépasser les oppositions inutiles et les débats artificiels. Nous appelons nos instances professionnelles à tout faire et à unir leurs efforts à l’horizon des toutes prochaines élections professionnelles pour concourir à la réalisation de ces objectifs

Nous sommes, comme beaucoup, préoccupés par l’évolution défavorable que connaît l’exercice de notre profession. Cela nous a convaincu de contribuer au sursaut nécessaire au développement soutenu et salutaire de nos activités.

William NAHUM

Expert-Comptable

Commissaire aux Comptes

Président d’honneur du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables

Michel TUDEL

Expert-Comptable

Commissaire aux Comptes

Président d’honneur de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes

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